De Révolution Afrique à Africa Fête…

En mai et après mai 1968, une furieuse envie de changer le monde s’est emparée de la jeunesse en France. Une myriade de petits groupes politiques se réclamant de diverses idéologies révolutionnaires, marxistes, trotskystes, maoïstes, anarchistes et en tout cas libertaires et universalistes se sont répandus dans la société. Parmi eux, l’un d’entre eux, « Révolution ! », a rapidement mis en place une politique d’organisation des travailleurs immigrés. Ces derniers venaient surtout des anciennes colonies françaises en Afrique du nord et sub-saharienne. Leurs conditions de vie et de travail étaient misérables, scandaleuses. Dans cette atmosphère électrique post-soixante-huitarde, les grèves au travail et dans les foyers ont fait tache d’huile.
C’est ainsi que des travailleurs africains, notamment Mamadou Konté, et des militants de Révolution se sont rencontrés ont tissé des liens de camaraderie de lutte et aussi des liens d’amitié.

Rapidement, les uns et les autres en sont arrivés au constat qu’une organisation hexagonale ne pouvait pas prendre en compte toute la réalité et la complexité de leur engagement. Pour songer aux conditions des pays d’origine, à la nature spécifique des luttes anticolonialistes et aux réalités culturelles, il fallait une organisation tournée vers l’Afrique et capable de préparer le retour militant dans les différents pays. C’est ainsi qu’en avril 1973 s’est tenue la conférence constitutive de Révolution Afrique. Il faut noter qu’un journal « Révolution Afrique » est aussi créé pour appuyer les activités. C’est René Dumont, ingénieur Agronome, engagé dans l’aide au développement de pays pauvres et premier candidat écologiste à une élection présidentielle (en 1974), qui en devient le directeur de publication.

Dans les années qui ont suivi les luttes en France se sont durcies et généralisées, comme dans les foyers « Sonacotra ». Des retours au pays de militants ont commencé, des interventions de Révolution Afrique ont pesé, notamment à Djibouti, mais pas seulement. Il fallait financer les activités. Les rencontres avec de nombreux artistes et groupes musicaux ont fait émerger deux idées : l’une, qu’il était possible de financer les activités par des spectacles, l’autre que la culture, l’art, la musique faisaient aussi parti des instruments des changements nécessaires. De la rencontre entre Mamadou Konté et le chanteur François Béranger est née une chanson qui a beaucoup compté pour toute une génération, « Mamadou m’a dit ». En 1977, l’interdiction de l’organisation par le gouvernement Giscard-Poniatowski accélère les choses. Un premier concert le 13 janvier 1978, sous le titre d’Africa Fête, soutenu par de nombreux artistes, réunit près de quatre mille personnes dans la salle de la Mutualité à Paris. Mais le grand Africa Fête se prépare pour la fin 1978. Sous l’immense chapiteau de la Porte de pantin, il réunit plus de dix mille spectateurs avec une affiche éclectique allant de Claude Nougaro à Marcel Amont en passant par Pierre Ackendegué, les ballets Lemba, François Béranger ou Imago et bien d’autres… Par la suite Révolution Afrique va disparaître, Mamadou Konté se consacrera au développement d’Africa Fête qui prendra toute sa place dans l’expression musicale africaine.
Mais Révolution Afrique restera dans les gênes ineffaçables de ce mouvement.

Jacques Soncin